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  • Photo du rédacteurOlivier-Gabriel Humbert

Poèmes gagnants des concours de poésie de Festiv'harpes 2022




Thème : Humour et musique



1er PRIX



Pauvre chef d’orchestre !


Le chef d’orchestre s’installe face à ses musiciens

Il attend, silencieux, pour capter leur attention, ce n’est pas rien

Il lève sa baguette et le silence se fait dans tous les pupitres

Sauf chez les trompettes qui, comme d’habitude, font les pitres


Il faut dire qu’il n’est pas gâté, le Directeur musical

Avec ces musiciens qui cèdent si facilement à leur instinct bestial

Il n’arrête pas de leur dire de jouer moins fort

Mais personne ne l’écoute, pas même les cors !


Il a essayé de leur parler de musicalité, d’interprétation,

Mais impossible de faire comprendre ça aux percussions

Ils tapent sur leur grosse caisse et leurs timbales

Aucune nuance, ils préfèrent démontrer leur force colossale


Et comment faire comprendre à toutes ces flutistes

Que jouer en rythme n’est pas anticonformiste

Qu’écouter son voisin et jouer la même partition

C’est la base de tout, sinon comment justifier l’orchestration ?


Heureusement que les clarinettes rehaussent le niveau

Quoique, même quand on répète la mélodie du boléro

Il ne faut pas oublier les dièses et les bémols

Sans altérations, on va les prendre pour des guignols


Le chef d’orchestre est un peu dépité

Il doit diriger un ensemble de bras cassés

Mais la musique permet parfois de réaliser des miracles

Et quand le top départ est donné, pas de débâcle


Les notes se mêlent et la mélodie se fait entendre

Même les violons réussissent à ne pas se méprendre

Et c’est avec brio qu’ils exécutent l’œuvre baroque

Les spectateurs ont vraiment apprécié ce spectacle loufoque 


Vincent MORIVAL (Lesquin, Nord)




2e PRIX



9 poèmes de 8 participants (par ordre de réception)




La harpiste


Il est terrible 

Le petit bruit de la corde qui casse 

Il est terrible ce bruit de corde brisée 

Quand justement il faudrait qu’elle vibre 

Qu’elle sonne 

Qu’elle soupire 

Clac 


Elle explose 

Elle déchire le temps, le silence, l’espace 

Elle se détend, se partage, se défait. 

Elle s’abandonne 

Elle griffe ses voisines 

Puis ricane, part, s’en va 

Clac 


Et la harpiste continue comme si de rien n’était 

Ses mains tremblent, s’agitent 

Elle en a marre 

Elle rêve de les couper toutes ces cordes, de les rouler, les tailler en morceaux, les jeter au vents, à la mer, au feu… 

Elle rêve d’être chanteuse de rock, de hard rock 

Elle rêve de trombone à coulisse, de tamtam, de guimbarde, de maracas, de cornemuse… 

Clac 


Elle serait chanteuse, 

Ou guitariste 

Et dans un accord fatal, un cri animal, elle jetterait au sol sa guitare, 

La piétinerait 

Crac, crac, crac 

La balancerait à la foule en délire qui l’aimera 

Elle serait applaudie, adulée, soulevée 

Le chef tape du pied 

La révolte gronde dans l’orchestre 

Et crac la baguette du chef se casse à trop battre la mesure 

Et crac les cordes se détendent, se dénouent, s’effilochent, s’envolent… 

Le tambour, les percussions éclatent, explosent, envahissent l’espace 

Alors les vents se déchaînent, décoiffent et emportent ailleurs, loin, loin, au-delà… 

La harpiste moulue, fourbue, vannée.


Danièle TOURNIÉ (Paris)




Harpe-moi ! 


Je frémis sous tes doigts habiles, 

Ils glissent sur mes nylons soyeux. 

Mes boyaux se tordent de plaisir, 

Ma colonne cintrée par tant d’accords croisés 

De cette symphonie tout en harmonie 

Qui se joue sous ce chapiteau qui abrite 

Nos corps chevillés en diapason. 

Ta clé raffermit mes cordes à la perfection, 

Sans aucun bémol, tu orchestres nos cœurs. 

Ta crosse dépliée caresse mon socle ; 

Je vibre d’une telle force, 

Que je ne peux retenir mes petits cris aigus 

Qui résonnent encore et encore 

La, la, la, la, la, sur ce sol, si si si 

Sur la console, sur le dos, là là là, l’ami. 

Octave, Octave, rejouons cette partition 

Ô Dièse ! Quel registre ! Je perds les pédales ! 


Sandrine B-HOLDER (Neuf-Brisach, Haut-Rhin)




Le pêcheur et la harpe


À l’aube clair d’un matin d’été,

Je sors de ma cabane de pêcheur.

Des appâts tentateurs dans mon panier,

Je marche vers le lac avec ardeur.

Au village, vraiment sans prétention,

On m’appelle le pêcheur à la harpe,

À laquelle succombent tant de poissons,

Brochets, tanches, goujons et autres carpes…

Mes lignes sur supports bien arrimés,

Je garde un œil vif sur mes bouchons.

Patience est alors vertu obligée…

Mais parfois, ne mord pas même, un gardon.

Vient alors le retour à la cabane,

Où m’attend Dame Harpe qui se pâme.

D’elle, à ma vue, soudain des sons émanent

Hors du toucher, animés par une âme.

Sans plus tarder, je la prends dans mes bras,

Et fébrile, retourne au bord de l’eau.

Ça y est, j’y suis, encore quelques pas,

Le miracle se produira bientôt !…

J’immerge à peine le pied de l’instrument,

Et joue… On dirait le chant d’un oiseau.

Une musique douce qui baigne cet instant,

Et fait frémir la surface de l’eau.

Vie bouillonnante tout en-dessous de l’onde.

Puis les bouchons qui frétillent et s’enfoncent.

Carpes et tanches, aux hameçons abondent,

Et sans le savoir, à leur vie renoncent.

Attirés par des sons ensorceleurs,

Gisent bientôt au fond de mon panier.

Pour avoir croqué le bel appât trompeur

Par le pêcheur et sa harpe furent happés.

Pierre PAYSAC (Oloron-Sainte-Marie, Pyrénées-Atlantiques)




Cordes sensibles.

Pour une poésie, on parle de la lyre

Bel accompagnement, émotion garantie.


Chaque condamné a droit à son violon

Une drôle de musique après comparution.


En cuisine le chef joue de sa mandoline

Disposant les morceaux coupés en lames fines.


Sur le tatami, on s’explique , on se culbute,

Accompagnons les vainqueurs d’un air joué au luth


Chacun y va de son joli refrain

Active ses pistons pour arriver à ses fins.


Jouons la même partition

Accordons tous nos violons

Pour partager cette émotion 


QUANTINOSSE  (Le May-sur-Èvre, Maine-et-Loire )




« Rire et chanson »


Musique et Thème osé. Il fallait y penser.

Voici donc — roulement de tambour ! — un portrait croisé

Des similitudes entre l’humoriste et du musicien

Et de leurs habitudes parallèles — celles de magiciens !


En piste, nos deux stand-up artists

Qui cohabitent dans les agendas culturels

Pour « donner leur numéro » (pas en 06, le show !)

Alléger les tourments, dédramatiser,Faire aimer et rêver, nous parler de nous

Avec des refrains ou des mots —Du pareil au même.


Le spectacle vivant — Bien essentiel !

Prend le devant — De la scène

Porté par imprésarios et mécènes.


Piano piano, sotto voce, mélodie souveraine

D’un texte connu et répété

Qui berce comme un « chant » des possibles,

Plaisir velouté dé-c(o)uplet(s).


Les deux activités se donnent

À voir et écouter, à interpréter

En public et par émotion…


Poésie du jonglage entre joie, peine

Et une pointe de tendresse :

Le Fou Chantant redonne ses lettres de noblesse

Au simple troubadour.


Ouvriers créateurs, artisans de beauté

Inventeurs qui (fre)donnent et façonnent

Du sens, en vérité.


« Chut » en écho aux « chutes »

Délicat tempo des silences et soupirs

Ponctués de sourires ;

Éclats de rimes,

En reprises — De concert — En échos :

Paroles « en air ».


L’humoriste dont la voix pareille à l’instrument à vent

Savamment maîtrisé,

Le musicien dont le corps est l’archet

Épousent des rythmes patiemment composés.

Tous deux conteurs, à leur façon, déroulent leur partition.

Sans fausse note, offrande de passions,

En sondant les coulisses des c(h)œurs,

Abaissant des rideaux de pleurs —

Fussent-ils de rire !


Chanson comique, chanson d’humour

Parodie, opérette, vaudeville

Cette fusion des genres existe, je n’ai rien inventé :

Musique et humour, il fallait y penser ! 


Marielle CHAMOISEAU (Lèves, Eure-et-Loir)




Mémorable concert !


Soudain démarre la horde

Des harpes à 38 cordes :

La musique déborde

D’instruments qui se désaccordent,

De fausses notes qui mordent

Et d’accords qui se distordent ;

Jamais en musique, les sons ne se raccordent !

Sont-ce des casseroles qu’on transborde

Ou un souvenir du décollage du concorde ?

On croirait que les musiciens se sabordent :

Toujours les mêmes erreurs, ils recordent !

Soudain, ils s’insultent et c’est la discorde.

Pour le public, n’ont-ils aucune miséricorde ?

Peut-être devraient-ils tous jouer du monocorde

Ou pour qu’on se pende, fournir une corde !


ORVILLE (Lille, Nord)




Fantaisie en cuisine


Maman se disait maestro

Qui jouait de la mandoline

Mais pour apprendre le piano

Mieux vaut sortir de sa cuisine

Les notes qu'elle nous chantait là

Résonnaient comme casseroles

Nous voulions y mettre le la

Ou y ajouter un bémol

Mon frère qu'on appelait l'Arsène

Ne put se mettre au diapason

Ce fut d'un bon coup d'hümmelchen

Qu'il joua sa partition

Il eut beau se tirer des flûtes

Il a fini au violon

Je tentais bien d'harmoniser

Connaissant l'air et la chanson

À la baguette j'étais mené

Autant pisser dans un violon

Car maman n'était que sonnée

Et de colère elle était ivre

De sa clarinette de cinq pieds

Elle faisait suer le cuivre

Elle se rinçait la cornemuse

Et crevait ainsi son tambour

Je sciais du bois pour que ça l'use

Voici pourquoi je dîne en sourd


Sylvie ARNAUD (Lavoux, Vienne)




Le pinson et l'éléphant


Un jour, cherchant demeure, un ravissant pinson

Sur un dos d'éléphant posa patte et valise.

Matin midi et soir il s'égayait en sons,

Maitrisant tel un dieu l'art de la vocalise !


Pour l'entendre on venait de toute la savane,

Ce qui rendait jaloux son hôte pachyderme,

Qui aurait tant voulu que l'oiseau mélomane

Cesse enfin son ramage, à ces chants mette un terme !


Alors que le pinson tenait la note mi,

de se taire il lui dit sur un ton péremptoire,

Déclarant tout de go : " moi aussi, mes amis,

Je suis un musicien au vaste répertoire !


Si ma trompe est mon nez, c'est aussi un clairon,

Un tuba, un pipeau, ajoute l'éléphant,

Un hautbois, un saxo, poursuit le fanfaron,

Un trombone, un basson, et même un olifant ! "


Et soudain de se prendre, en secouant la tête,

À souffler fort, si fort, avec la dite trompe,

Que tous les baobabs tremblent sous la tempête,

Tandis que l'auditoire à fuir se met en trombe !


Concerto, symphonie, prélude ou bien rondo,

On préfère tes airs, pinson aux jolies plumes,

À ces barrissements émis par un lourdaud,

Qui ont moins d'harmonie qu'une corne de brume !


Patrick AUBERT (Paris)




L’archet


Le voici, le voilà,

Il fait des fa des si,

Des arpèges par ci,

Des facéties par là,

Il est si déluré

Dans son habit ciré !


Il joue mi sur la corde

Et gémit sur l’accord,

Il sautille et s'élance,

Il s'étire et paresse,

De trilles en silences,

De soupirs en caresses !


Il fait le fanfaron

Mais aussi le do rond !

Danse, danse l’archet,

Danse l’air déhanché,

Chante, chante l'archet,

Chante le cœur léger !


Patrick AUBERT (Paris)




Les deux poèmes écrits par Olivier-Gabriel Humbert pour lancer le concours



Cracheurs et toussoteux, pantoun dizain


Oreilles orientées vers le sol alpestre,

Nez vers le ciel, queue redressée mais oblique,

Puis bref claquement de langue qui résonne,

Le troupeau de lamas perd son harmonie ;

Un mâle crache sur son frère agité.

Les musiciens écoutent le grand orchestre

Des éternueurs et toussoteux du public,

Des papiers de bonbons et des téléphones,

Entre les mouvements de la symphonie

Qu’ils jouent dans l’auditorium de la cité.



Le son de la harpe


Que sont ce rythme païen

Et ces notes qui discordent ?

Pour le retour d’un des siens

Une joie simple déborde :

Près des quarante-sept cordes,

Va et vient la queue du chien

Qu’on ignorait musicien !


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