Thème : Humour et musique
1er PRIX
Pauvre chef d’orchestre !
Le chef d’orchestre s’installe face à ses musiciens
Il attend, silencieux, pour capter leur attention, ce n’est pas rien
Il lève sa baguette et le silence se fait dans tous les pupitres
Sauf chez les trompettes qui, comme d’habitude, font les pitres
Il faut dire qu’il n’est pas gâté, le Directeur musical
Avec ces musiciens qui cèdent si facilement à leur instinct bestial
Il n’arrête pas de leur dire de jouer moins fort
Mais personne ne l’écoute, pas même les cors !
Il a essayé de leur parler de musicalité, d’interprétation,
Mais impossible de faire comprendre ça aux percussions
Ils tapent sur leur grosse caisse et leurs timbales
Aucune nuance, ils préfèrent démontrer leur force colossale
Et comment faire comprendre à toutes ces flutistes
Que jouer en rythme n’est pas anticonformiste
Qu’écouter son voisin et jouer la même partition
C’est la base de tout, sinon comment justifier l’orchestration ?
Heureusement que les clarinettes rehaussent le niveau
Quoique, même quand on répète la mélodie du boléro
Il ne faut pas oublier les dièses et les bémols
Sans altérations, on va les prendre pour des guignols
Le chef d’orchestre est un peu dépité
Il doit diriger un ensemble de bras cassés
Mais la musique permet parfois de réaliser des miracles
Et quand le top départ est donné, pas de débâcle
Les notes se mêlent et la mélodie se fait entendre
Même les violons réussissent à ne pas se méprendre
Et c’est avec brio qu’ils exécutent l’œuvre baroque
Les spectateurs ont vraiment apprécié ce spectacle loufoque
Vincent MORIVAL (Lesquin, Nord)
2e PRIX
9 poèmes de 8 participants (par ordre de réception)
La harpiste
Il est terrible
Le petit bruit de la corde qui casse
Il est terrible ce bruit de corde brisée
Quand justement il faudrait qu’elle vibre
Qu’elle sonne
Qu’elle soupire
Clac
Elle explose
Elle déchire le temps, le silence, l’espace
Elle se détend, se partage, se défait.
Elle s’abandonne
Elle griffe ses voisines
Puis ricane, part, s’en va
Clac
Et la harpiste continue comme si de rien n’était
Ses mains tremblent, s’agitent
Elle en a marre
Elle rêve de les couper toutes ces cordes, de les rouler, les tailler en morceaux, les jeter au vents, à la mer, au feu…
Elle rêve d’être chanteuse de rock, de hard rock
Elle rêve de trombone à coulisse, de tamtam, de guimbarde, de maracas, de cornemuse…
Clac
Elle serait chanteuse,
Ou guitariste
Et dans un accord fatal, un cri animal, elle jetterait au sol sa guitare,
La piétinerait
Crac, crac, crac
La balancerait à la foule en délire qui l’aimera
Elle serait applaudie, adulée, soulevée
Le chef tape du pied
La révolte gronde dans l’orchestre
Et crac la baguette du chef se casse à trop battre la mesure
Et crac les cordes se détendent, se dénouent, s’effilochent, s’envolent…
Le tambour, les percussions éclatent, explosent, envahissent l’espace
Alors les vents se déchaînent, décoiffent et emportent ailleurs, loin, loin, au-delà…
La harpiste moulue, fourbue, vannée.
Danièle TOURNIÉ (Paris)
Harpe-moi !
Je frémis sous tes doigts habiles,
Ils glissent sur mes nylons soyeux.
Mes boyaux se tordent de plaisir,
Ma colonne cintrée par tant d’accords croisés
De cette symphonie tout en harmonie
Qui se joue sous ce chapiteau qui abrite
Nos corps chevillés en diapason.
Ta clé raffermit mes cordes à la perfection,
Sans aucun bémol, tu orchestres nos cœurs.
Ta crosse dépliée caresse mon socle ;
Je vibre d’une telle force,
Que je ne peux retenir mes petits cris aigus
Qui résonnent encore et encore
La, la, la, la, la, sur ce sol, si si si
Sur la console, sur le dos, là là là, l’ami.
Octave, Octave, rejouons cette partition
Ô Dièse ! Quel registre ! Je perds les pédales !
Sandrine B-HOLDER (Neuf-Brisach, Haut-Rhin)
Le pêcheur et la harpe
À l’aube clair d’un matin d’été,
Je sors de ma cabane de pêcheur.
Des appâts tentateurs dans mon panier,
Je marche vers le lac avec ardeur.
Au village, vraiment sans prétention,
On m’appelle le pêcheur à la harpe,
À laquelle succombent tant de poissons,
Brochets, tanches, goujons et autres carpes…
Mes lignes sur supports bien arrimés,
Je garde un œil vif sur mes bouchons.
Patience est alors vertu obligée…
Mais parfois, ne mord pas même, un gardon.
Vient alors le retour à la cabane,
Où m’attend Dame Harpe qui se pâme.
D’elle, à ma vue, soudain des sons émanent
Hors du toucher, animés par une âme.
Sans plus tarder, je la prends dans mes bras,
Et fébrile, retourne au bord de l’eau.
Ça y est, j’y suis, encore quelques pas,
Le miracle se produira bientôt !…
J’immerge à peine le pied de l’instrument,
Et joue… On dirait le chant d’un oiseau.
Une musique douce qui baigne cet instant,
Et fait frémir la surface de l’eau.
Vie bouillonnante tout en-dessous de l’onde.
Puis les bouchons qui frétillent et s’enfoncent.
Carpes et tanches, aux hameçons abondent,
Et sans le savoir, à leur vie renoncent.
Attirés par des sons ensorceleurs,
Gisent bientôt au fond de mon panier.
Pour avoir croqué le bel appât trompeur
Par le pêcheur et sa harpe furent happés.
Pierre PAYSAC (Oloron-Sainte-Marie, Pyrénées-Atlantiques)
Cordes sensibles.
Pour une poésie, on parle de la lyre
Bel accompagnement, émotion garantie.
Chaque condamné a droit à son violon
Une drôle de musique après comparution.
En cuisine le chef joue de sa mandoline
Disposant les morceaux coupés en lames fines.
Sur le tatami, on s’explique , on se culbute,
Accompagnons les vainqueurs d’un air joué au luth
Chacun y va de son joli refrain
Active ses pistons pour arriver à ses fins.
Jouons la même partition
Accordons tous nos violons
Pour partager cette émotion
QUANTINOSSE (Le May-sur-Èvre, Maine-et-Loire )
« Rire et chanson »
Musique et Thème osé. Il fallait y penser.
Voici donc — roulement de tambour ! — un portrait croisé
Des similitudes entre l’humoriste et du musicien
Et de leurs habitudes parallèles — celles de magiciens !
En piste, nos deux stand-up artists
Qui cohabitent dans les agendas culturels
Pour « donner leur numéro » (pas en 06, le show !)
Alléger les tourments, dédramatiser,Faire aimer et rêver, nous parler de nous
Avec des refrains ou des mots —Du pareil au même.
Le spectacle vivant — Bien essentiel !
Prend le devant — De la scène
Porté par imprésarios et mécènes.
Piano piano, sotto voce, mélodie souveraine
D’un texte connu et répété
Qui berce comme un « chant » des possibles,
Plaisir velouté dé-c(o)uplet(s).
Les deux activités se donnent
À voir et écouter, à interpréter
En public et par émotion…
Poésie du jonglage entre joie, peine
Et une pointe de tendresse :
Le Fou Chantant redonne ses lettres de noblesse
Au simple troubadour.
Ouvriers créateurs, artisans de beauté
Inventeurs qui (fre)donnent et façonnent
Du sens, en vérité.
« Chut » en écho aux « chutes »
Délicat tempo des silences et soupirs
Ponctués de sourires ;
Éclats de rimes,
En reprises — De concert — En échos :
Paroles « en air ».
L’humoriste dont la voix pareille à l’instrument à vent
Savamment maîtrisé,
Le musicien dont le corps est l’archet
Épousent des rythmes patiemment composés.
Tous deux conteurs, à leur façon, déroulent leur partition.
Sans fausse note, offrande de passions,
En sondant les coulisses des c(h)œurs,
Abaissant des rideaux de pleurs —
Fussent-ils de rire !
Chanson comique, chanson d’humour
Parodie, opérette, vaudeville
Cette fusion des genres existe, je n’ai rien inventé :
Musique et humour, il fallait y penser !
Marielle CHAMOISEAU (Lèves, Eure-et-Loir)
Mémorable concert !
Soudain démarre la horde
Des harpes à 38 cordes :
La musique déborde
D’instruments qui se désaccordent,
De fausses notes qui mordent
Et d’accords qui se distordent ;
Jamais en musique, les sons ne se raccordent !
Sont-ce des casseroles qu’on transborde
Ou un souvenir du décollage du concorde ?
On croirait que les musiciens se sabordent :
Toujours les mêmes erreurs, ils recordent !
Soudain, ils s’insultent et c’est la discorde.
Pour le public, n’ont-ils aucune miséricorde ?
Peut-être devraient-ils tous jouer du monocorde
Ou pour qu’on se pende, fournir une corde !
ORVILLE (Lille, Nord)
Fantaisie en cuisine
Maman se disait maestro
Qui jouait de la mandoline
Mais pour apprendre le piano
Mieux vaut sortir de sa cuisine
Les notes qu'elle nous chantait là
Résonnaient comme casseroles
Nous voulions y mettre le la
Ou y ajouter un bémol
Mon frère qu'on appelait l'Arsène
Ne put se mettre au diapason
Ce fut d'un bon coup d'hümmelchen
Qu'il joua sa partition
Il eut beau se tirer des flûtes
Il a fini au violon
Je tentais bien d'harmoniser
Connaissant l'air et la chanson
À la baguette j'étais mené
Autant pisser dans un violon
Car maman n'était que sonnée
Et de colère elle était ivre
De sa clarinette de cinq pieds
Elle faisait suer le cuivre
Elle se rinçait la cornemuse
Et crevait ainsi son tambour
Je sciais du bois pour que ça l'use
Voici pourquoi je dîne en sourd
Sylvie ARNAUD (Lavoux, Vienne)
Le pinson et l'éléphant
Un jour, cherchant demeure, un ravissant pinson
Sur un dos d'éléphant posa patte et valise.
Matin midi et soir il s'égayait en sons,
Maitrisant tel un dieu l'art de la vocalise !
Pour l'entendre on venait de toute la savane,
Ce qui rendait jaloux son hôte pachyderme,
Qui aurait tant voulu que l'oiseau mélomane
Cesse enfin son ramage, à ces chants mette un terme !
Alors que le pinson tenait la note mi,
de se taire il lui dit sur un ton péremptoire,
Déclarant tout de go : " moi aussi, mes amis,
Je suis un musicien au vaste répertoire !
Si ma trompe est mon nez, c'est aussi un clairon,
Un tuba, un pipeau, ajoute l'éléphant,
Un hautbois, un saxo, poursuit le fanfaron,
Un trombone, un basson, et même un olifant ! "
Et soudain de se prendre, en secouant la tête,
À souffler fort, si fort, avec la dite trompe,
Que tous les baobabs tremblent sous la tempête,
Tandis que l'auditoire à fuir se met en trombe !
Concerto, symphonie, prélude ou bien rondo,
On préfère tes airs, pinson aux jolies plumes,
À ces barrissements émis par un lourdaud,
Qui ont moins d'harmonie qu'une corne de brume !
Patrick AUBERT (Paris)
L’archet
Le voici, le voilà,
Il fait des fa des si,
Des arpèges par ci,
Des facéties par là,
Il est si déluré
Dans son habit ciré !
Il joue mi sur la corde
Et gémit sur l’accord,
Il sautille et s'élance,
Il s'étire et paresse,
De trilles en silences,
De soupirs en caresses !
Il fait le fanfaron
Mais aussi le do rond !
Danse, danse l’archet,
Danse l’air déhanché,
Chante, chante l'archet,
Chante le cœur léger !
Patrick AUBERT (Paris)
Les deux poèmes écrits par Olivier-Gabriel Humbert pour lancer le concours
Cracheurs et toussoteux, pantoun dizain
Oreilles orientées vers le sol alpestre,
Nez vers le ciel, queue redressée mais oblique,
Puis bref claquement de langue qui résonne,
Le troupeau de lamas perd son harmonie ;
Un mâle crache sur son frère agité.
Les musiciens écoutent le grand orchestre
Des éternueurs et toussoteux du public,
Des papiers de bonbons et des téléphones,
Entre les mouvements de la symphonie
Qu’ils jouent dans l’auditorium de la cité.
Le son de la harpe
Que sont ce rythme païen
Et ces notes qui discordent ?
Pour le retour d’un des siens
Une joie simple déborde :
Près des quarante-sept cordes,
Va et vient la queue du chien
Qu’on ignorait musicien !
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